Efficacité énergétique
Selon la manière de considérer les choses, l’énergie nucléaire apparaît comme une méthode de production d’électricité plus ou moins efficiente. Le rapport entre énergie investie et énergie fournie, c’est-à-dire le facteur de retour énergétique, est très avantageux en ce qui concerne l’énergie nucléaire. Cela s’explique par la densité énergétique colossale du combustible nucléaire, qui ne génère par ailleurs aucun polluant atmosphérique ni aucun gaz à effet de serre dans le cadre de la production de chaleur.
D’un autre côté, beaucoup d’énergie se perd entre la fission nucléaire et la production d’électricité. Car l’énergie libérée lors de la fission est d’abord transformée en énergie thermique, puis cinétique et, pour finir, électrique. Au total, les deux tiers de l’énergie sont inutilisés et s’échappent sous forme de chaleur dans la tour de refroidissement. Ce taux de rendement qui dépend de la température s’élève à environ 33 pour cent et peut être encore un peu amélioré si l’on exploite la chaleur résiduelle, par exemple pour un réseau de chaleur à distance. Par rapport à une centrale à cycle combiné qui atteint env. 60 pour cent, c’est plutôt peu; par rapport à une installation photovoltaïque qui tourne autour de 10 – 20 pour cent en moyenne, c’est plutôt bien.
Ce qui est décisif ici en matière d’efficience, ce ne sont pas les aspects individuels, mais le cycle entier: c’est-à-dire combien d’énergie il nous faut dépenser de l’extraction des matières premières à l’élimination des déchets pour obtenir un kilowattheure de courant. Car quelle que soit la technique de production d’électricité mise en œuvre, une part considérable des dépenses énergétiques est utilisée en dehors des centrales à proprement parler: pour extraire le combustible, le préparer, le transporter, pour éliminer les résidus et les déchets et aussi pour produire et transformer les matières premières nécessaires à la construction des centrales.
Le minerai d’uranium: l’exploitation, la transformation et la fabrication du combustible représentent les trois quarts environ des intrants énergétiques de la chaîne nucléaire. (Photo: B. Pellaud)
Un rapport favorable entre dépenses et rendement
Le facteur de retour énergétique décrit ce rapport entre énergie fournie et énergie investie qui, au bout du compte, contribue à la rentabilité d’une technologie. Dans le calcul de l’énergie investie, on intègre tous les intrants énergétiques: les parts fixes pour la construction de l’installation, l’extraction, l’élimination et autres, et les parts variables pour l’entretien et l’acquisition du combustible. Parce que ces dépenses énergétiques augmentent avec le temps, la durée de vie d’une installation est un composant décisif du facteur de retour énergétique.
Sous cet angle, il apparaît que les centrales nucléaires sont très efficientes. Les dépenses énergétiques totales d’une centrale nucléaire ayant une durée d’amortissement énergétique moyenne d’un an sont largement inférieures à 10 pour cent de l’électricité produite par la même installation durant sa durée de vie.
Selon le site, une installation photovoltaïque est amortie d’un point de vue énergétique après quatre mois à sept ans d’utilisation, une centrale nucléaire après deux à 19 mois. Par ailleurs, la durée de vie d’une centrale nucléaire peut atteindre 60 ans et plus, celle des nouvelles installations photovoltaïques varie entre 25 et 30 ans, et peut aussi être supérieure si l’installation fonctionne à puissance réduite. Toutefois, l’expérience pratique fait encore défaut.
Technologie | retour énergétique | énergétique |
Réacteur à eau sous pression *, enrichissement par centrifugation | 106 | 2 mois |
Houille*, exploitation souterraine sans transport du charbon | 29 | 2 mois |
Centrale à gaz* (cycle combiné), gaz naturel | 28 | 9 jours |
Centrale à gaz * (cycle combiné), biogaz | 3,5 | 12 jours |
Installation éolienne** 1,5 MW, 2000 heures à pleine charge (littoral allemand) | 16 | 1,2 an |
Installation éolienne** 2,3 MW, 3200 heures à pleine charge (littoral allemand, sable) | 51 | 4,7 mois |
Installation photovoltaïque** polysilicium, installation de toiture, 1000 heures à pleine charge (sud de l’Allemagne) | 4 | 6 ans |
Installation photovoltaïque** polysilicium, installation de toiture, 1800 heures à pleine charge (Europe du sud) | 7 | 3,3 ans |
Source: Wikipedia
* Combustible non pris en compte
** Dépenses pour les centrales à accumulation, les réserves saisonnières ou les centrales conventionnelles de compensation de charge non prises en compte
Dans la comparaison ci-dessus, le combustible utilisé n’a pas été pris en compte, sinon une comparaison objective entre installations fossiles et non fossiles n’est pas possible. Si, en plus des dépenses énergétiques pour la construction et le fonctionnement de la centrale, on inclut le combustible pour les centrales à énergie fossile puisqu’il est irrévocablement brûlé pour la production de courant, le facteur de retour énergétique des technologies fossiles passe sous 1. Celui des énergies renouvelables serait supérieur à 1 car leurs sources (vent, eau ou soleil) sont infinies ou se régénèrent dans le cadre d’une exploitation durable (p.ex. forêt).
L’efficience continue de s’améliorer
Optimiser les processus et accroître les taux de rendement permet d’économiser de l’énergie, d’améliorer l’efficience et de faire baisser les coûts, ce qui est également dans l’intérêt de l’industrie nucléaire. Passer d’installations par diffusion à des installations par centrifugation a permis de réduire du facteur 50 les dépenses énergétiques engagées pour l’enrichissement de combustible.
Dans les centrales nucléaires aussi, différentes mesures d’accroissement de l’efficience sont mises en œuvre. La production d’électricité a augmenté sans avoir modifié les réacteurs. La centrale nucléaire de Leibstadt (KKL) qui a fortement investi dans la rénovation de ses installations au cours des dernières années a pu améliorer sa puissance nette de 1165 à 1220 mégawatts en 4 ans.
La simple amélioration du profil aérodynamique du bord de la tour de refroidissement, un investissement relativement peu coûteux, a permis à la centrale nucléaire de Leibstadt de gagner environ 2,5 mégawatts de puissance. Les nouveaux garnissages ont apporté eux aussi 11 mégawatts de puissance supplémentaires. La production annuelle a ainsi augmenté d’environ 110’000 mégawattheures d’électricité. Cela correspond à la consommation annuelle de 24’500 ménages. A titre de comparaison: il faudrait environ 91 installations solaires de la taille du Stade de Suisse (production de 1200 MWh/an) pour produire la même quantité de courant. Mais ce courant serait beaucoup plus cher et produit principalement en été.
D’autre part, l’efficience de la KKL a augmenté grâce au remplacement, par des composants modernes plus efficients, des trois turbines à basse pression, des deux préchauffeurs basse pression, du transformateur de tranche et de l’alternateur. 40 mégawatts de puissance nette supplémentaire sont ainsi disponibles 24h sur 24. La puissance installée correspondrait à celle générée par douze grosses centrales éoliennes qui, implantées sur des sites optimaux en Suisse, produiraient 80’000 mégawattheures de courant. Dans la centrale nucléaire de Leibstadt en revanche, elle permettra une production d’électricité de 240’000 mégawattheures. Il faudrait donc construire effectivement trois douzaines de centrales éoliennes pour obtenir la même quantité de courant – et environ 1200 pour compenser la production totale de la centrale nucléaire de Leibstadt. Tout en sachant que ce courant serait produit de façon irrégulière.
Des rénovations et mesures d’amélioration de l’efficience similaires ont eu lieu dans la centrale nucléaire de Gösgen (KKG) en 2013.
De nouveaux réacteurs de quatrième génération pourraient fonctionner à des températures et des taux de rendement nettement supérieurs et seraient nettement plus efficients que ceux d’aujourd’hui.
L’efficience énergétique: une mission permanente
Utiliser l’énergie de façon efficiente est la base de la politique énergétique suisse actuelle. Pour le consommateur, efficience énergétique rime avec utilisation d’appareils peu gourmands et avec parcimonie dans l’utilisation d’électricité et de toute autre forme d’énergie. Pour les producteurs d’électricité, l’efficience énergétique signifie utiliser le moins de ressources possibles pour produire le plus d’électricité possible dans l’intérêt de tous les consommateurs:
- Des trajets courts. Le transport d’électricité par les lignes à haute tension s’accompagne de pertes. C’est pourquoi les centrales doivent être situées aussi près que possible des centres de consommation. Les importations de courant depuis des régions éloignées sont aussi inefficientes que contestables sur le plan écologique.
- Un mix électrique adapté aux besoins: il faut produire le courant quand on en a effectivement besoin. Le parc nucléaire doit pouvoir couvrir de façon efficiente les besoins en électricité qui fluctuent selon l’heure de la journée et la période de l’année. En Suisse, on associe l’énergie hydraulique à l’énergie nucléaire, et l’on ajoute les nouvelles énergies renouvelables comme la biomasse, le vent et le soleil.
- Si possible pas de stockage intermédiaire: le stockage d’électricité entraîne toujours des pertes d’énergie.
- Préserver le paysage: la Suisse est un petit pays à forte densité de population. Les paysages non bâtis et à l’état naturel doivent être préservés dans la mesure du possible. Une centrale nucléaire est très efficiente en matière d’espace nécessaire (environ 20 – 30 ha) tandis qu’elle produit de grandes quantités d’électricité – c’est une technologie idéale pour la Suisse.
Quand on prend en compte ces facteurs pour une alimentation efficiente en électricité, l’énergie nucléaire est une option très attrayante, en association avec l’énergie hydraulique, la meilleure technique de production aujourd’hui disponible.